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Mélina Schoenborn | La finesse du papier et de la plume

 
Entrevue CMAQ avec Mélina Schoenborn
Photos : Chantale Lecours
 

MONTRÉAL
 

Mélina Schoenborn —  artiste céramiste. Merci d'avoir arrêté le temps et d'avoir accepté de te prêter au jeu de l'entrevue Matière à réflexion. Ici, pas de règles, pas de réponses justes. Ici, on passe de la confidence au ludique, du savoir au faire et des contrastes à la lumière.

 

 

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Mélina Schoenborn perçoit ses œuvres comme des individus d’argile qui peuvent dialoguer entre eux, l’artiste joue avec la notion de l’utilitaire et du non-utilitaire. À mi-chemin entre la poterie et la sculpture, l’artiste souhaite faire le pont entre ces champs d’expression et invite le public à s’intéresser aux deux

 

 

Ta matière (céramique), pourquoi ?

C’est le meilleur médium que j’ai trouvé pour investir l’espace physique. Mes pièces sont une personnification de moi-même, de ma place au sein de ma communauté. D’ailleurs, suite à un accident de vélo qui a endommagé ma colonne vertébrale, je tangue un peu, tout comme mes bols et mes vases, à qui je donne la liberté de pencher doucement à droite ou à gauche. Comme je conçois souvent mes
œuvres en groupe, la céramique me permet de me questionner sur les liens qui existent entre toute chose, et de créer des ensembles qui contiennent en eux à la fois le chaos, l’équilibre, l’harmonie, le relief, le contraste. 
 

Que t’inspires l’expression « vases communicants » ?

Mes pièces sont toujours en train de communiquer entre elles, ou avec les lieux qui les accueillent, ou encore avec d’autres objets. Ce sont de « social animals ». Toutes seules, elles ont leurs raisons d’être, elles se suffisent, mais elles sont plus heureuses en compagnie d’autres vases ou d’autres bols.

 

 

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Mélina Schoenborn perçoit ses œuvres comme des individus d’argile qui peuvent dialoguer entre eux, l’artiste joue avec la notion de l’utilitaire et du non-utilitaire. À mi-chemin entre la poterie et la sculpture, l’artiste souhaite faire le pont entre ces champs d’expression et invite le public à s’intéresser aux deux

 

 

Comment expliquerais-tu ton métier d’artiste céramiste à un enfant ? 

Je fabrique des objets à partir de mottes d’argile trouvées dans le sol. Mon argile vient des États-Unis! Je sculpte mes bols et mes vases en superposant des boudins d’argiles les uns par-dessus les autres. Ensuite, je fais cuire mes pièces très longtemps dans un grand four pour les faire durcir à une température qui dépasse un millier de degrés Celsius. Un millier de degrés Celsius! C’est super fou, non?

Je me trompe peut-être, mais tu n’as pas écrit un livre pour enfant ? 

J’ai écrit deux livres pour enfants, Bob le bobo et Ceci n’est pas un livre sur les dinosaures. Un troisième album est en route, et un roman. Quand je suis à l’atelier, j’en profite pour délier des nœuds dans une histoire en cours de rédaction en pensant à autre chose, en travaillant de mes mains. J’aime aussi beaucoup danser à l’atelier, ça fait bouger les idées, Hop, hop. Après, je retourne devant l’ordinateur et je sais ce que je dois changer dans mon texte, quoi enlever ou ajouter. Les deux pratiques se nourrissent entre elles.

 

 

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Mélina Schoenborn perçoit ses œuvres comme des individus d’argile qui peuvent dialoguer entre eux, l’artiste joue avec la notion de l’utilitaire et du non-utilitaire. À mi-chemin entre la poterie et la sculpture, l’artiste souhaite faire le pont entre ces champs d’expression et invite le public à s’intéresser aux deux

 

 

Tu rêves de voir ton art ? 

Dans la revue Architectural Digest. Je lis cette publication depuis que je suis adolescente. À l’époque, je souhaitais parcourir le monde et être marchande de sculptures, de tapis, de textiles. Maintenant, je préfère fabriquer les objets. J’aurais été une terrible commerçante, et j’aurais égaré sans cesse mes livres de comptes. 


Dans la vie, « avoir les pieds sur terre » ou « remuer ciel et terre » ?

Remuer ciel et terre. Je cherche toujours à me réinventer, et mes explorations en céramique font partie de cette quête. C’est Susan Suntag qui disait : « I'm only interested in people engaged in a project of self-transformation.» Aussi, je dépense beaucoup d’énergie à questionner et à renverser l’ordre des choses. J’aime parfois que le ciel sans en dessous et la terre au-dessous, momentanément.

 

 

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Mélina Schoenborn perçoit ses œuvres comme des individus d’argile qui peuvent dialoguer entre eux, l’artiste joue avec la notion de l’utilitaire et du non-utilitaire. À mi-chemin entre la poterie et la sculpture, l’artiste souhaite faire le pont entre ces champs d’expression et invite le public à s’intéresser aux deux

 

 

Lorsqu’on regarde tes vases, par leur texture très organique et leur délicatesse, on croit de prime à bord qu’ils sont faits en papier. Peux-tu élaborer sur le duel / la contradiction avec le matériau ?

J’aime que mes pièces soient très minces. Je vais à la limite du possible. En même temps, je ne dois pas trop forcer la terre… Le résultat de ce délicat duel peut en effet évoquer la finesse et la texture du papier. Cette ambiguïté me permet d’amorcer un dialogue avec le public sur la nature de la céramique. Les gens sont souvent curieux et surpris de la façon dont j’ai fabriqué les pièces. Ils cherchent à comprendre comment j’ai pu atteindre ces formes et cette finesse sans l’aide d’un tour, avec seulement mes mains et un petit outil, ils posent des questions, et ça, ça me fait vraiment plaisir.

Qu’en est-il de la pureté de la forme et du matériau dans tes œuvres ? Et / ou de ton besoin d’épurer l’argile jusqu’à sa plus simple et plus fine expression ?

Avant même de commencer à sculpter, je mets beaucoup de temps à transformer ma terre, à ajouter de la chamotte (petits grains d’argile qui font penser à du sable) ou des pigments colorés. La terre en elle-même devient précieuse, chargée de subtiles informations. Après, je ne veux pas trop en rajouter et je propose donc des formes pures, qui ne vont pas détourner l’attention du matériau. Le bol et le vase sont des formes très simples, mais pleines de potentiel. Les mains et le regard peuvent se promener de toutes sortes de façon dans le creux et sur les flancs des pièces.

 

 

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Mélina Schoenborn perçoit ses œuvres comme des individus d’argile qui peuvent dialoguer entre eux, l’artiste joue avec la notion de l’utilitaire et du non-utilitaire. À mi-chemin entre la poterie et la sculpture, l’artiste souhaite faire le pont entre ces champs d’expression et invite le public à s’intéresser aux deux


 

La dernière chose que tu viens d’apprendre ? 

J’ai appris qu’il faut faire confiance à son instinct, aux choses que l’on perçoit sans pouvoir les nommer.


Boomerang ! À qui lances-tu l'invitation pour notre prochaine entrevue et pourquoi ?

À Isabelle Auger, la designer de lampes en placage de bois canadiens à l’Atelier Cocotte. Les formes sont simples, épurées, comme je les aime.

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